Kadhafi, l’amour inavoué de l’Europe

Le colonel Mouammar Kadhafi fête aujourd’hui ses 40 ans au pouvoir par une cérémonie grandiose qui réunira de nombreux dirigeants. Parmi ceux-ci néanmoins aucun Européen ne sera présent. Etonnant lorsque depuis quelques années, on observe la cour faite par les dirigeants occidentaux à celui qui fut de nombreuses années le paria de la société internationale.

Arrivé au pouvoir en 1969 et, le fils de berger représente pour le peuple libyen un réel espoir de changement. En 1977, il transforme l’Etat en Jamahiriyya arabe libyenne populaire et socialiste. Les années qui suivent sont marquées par de nombreuses tentatives d’unions avec ses voisins. S’adressant directement aux peuples, il provoque parfois l’irritation de certains des dirigeants arabes.

Mais ce sont les années 80 qui rejetteront la Libye au ban de la société internationale. En effet, de nombreux attentats sont attribués à des proches de Kadhafi, dont celui de Lockerbie (Ecosse) en 1988 qui fit 270 morts. En 1992, le Conseil de Sécurité des Nations-Unies déclare un embargo aérien et militaire contre la Libye.

En 1999, il livre les officiers responsables de l’attentat de Lockerbie aux autorités écossaises. Le colonel comprend qu’il ne peut pas dénigrer complètement le jeu diplomatique et commence à multiplier les gestes de bonne volonté. En 2003, le chef libyen abandonne son programme de développement d’armes nucléaires sous les pressions répétées des Etats-Unis et de l’Angleterre. Il accorde ensuite une indemnité de 2,7 milliards de dollars aux victimes de l’attentat de Lockerbie.

Depuis lors, Mouammar Kadhafi est à nouveau « persona grata » pour les diplomaties européennes, qui de plus y voient un partenaire de choix en ce qui concerne l’approvisionnement de l’Europe en pétrole, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme. Les chancelleries le reçoivent donc, cédant au moindre de ses caprices, mais déchainant par la même occasion les protestations des opinions publiques, et en particulier des organisations de défense des Droits de l’Homme.

Ces deux dernières semaines, deux affaires ont à nouveau suscité la polémique. Le 20 août, le Président de la Confédération Hélvétique, Hanz-Rudoplh Merz, se rend à Tripoli pour présenter les excuses de la Suisse et mettre fin à un froid d’une année entre les deux pays. Il y a un an, les autorités suisses arrêtaient Hannibal, un fils de Mouammar Kadhafi, pour mauvais traitement envers son personnel. Vexé du sort réservé à son fils, Kadhafi avait coupé les relations diplomatiques avec la Suisse et retirés les importants fonds libyens des banques suisses. En outre, deux ressortissants suisses étaient retenus en prison à Tripoli. Les excuses de Hanz-Rudolf Merz avaient été très mal perçues par la population suisse.

Même situation quelques jours plus tard en Ecosse où le Ministre de la Justice Kenny MacAskill décide de libérer le Libyen Abdel Basset Ali Al-Megrahi, reconnu coupable des attentats de Lockerbie.

Malgré que des raisons médicales aient été invoquées – le prisonnier est atteint d’un cancer en phase terminale – , la presse britannique révèle l’existence d’accords commerciaux qui auraient pu motiver cette libération. L’incident prend une ampleur encore plus grande au vu de l’accueil en héros réservé à Al Megrahi à l’aéroport de Tripoli. Les opinions publiques européennes s’indignent, les chefs d’Etat se prononcent. Malaise.

C’est pour atténuer les critiques que les dirigeants européens décident aujourd’hui de ne pas répondre présents à l’anniversaire des 40 ans de pouvoir du leader libyen. Mais loin de là l’idée d’abandonner leurs relations avec l’extravagant colonel. Entre intérêts nationaux et valeurs, ce sont malheureusement souvent les premiers qui priment. (NJO)

~ par natjanne sur 1 septembre 2009.

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